Où en est le secteur public français quand on parle de transformation numérique ?
Les organismes publics vivent comme tout le monde une véritable révolution numérique. On a dépassé les effets de mode pour arriver à des évolutions structurantes, très vastes en matière de champ d’application, et très rapides. Par rapport à ce que nous connaissons déjà, d’énormes changements se préparent encore. Il suffit de regarder ce qui se fait en matière de domotique ou de territoire intelligent pour s’en convaincre. Pour autant, nos organismes publics se sont déjà beaucoup modernisés durant la dernière décennie. La dématérialisation par exemple est devenue une évidence, en termes de bouleversement des usages, qui dépasse de loin le seul schéma de l’obligation légale. La remise en question des habitudes et des fonctionnements touche pour ainsi dire tous les acteurs, et tout le monde.
Il faut que les acteurs établissent un mix stratégique entre court et moyen terme, ce qui pousse à se poser par exemple la question de la place de l’organisation publique dans son écosystème
Le gain de maturité se traduit-il également au niveau culturel ?
Cette transformation remet en cause nos croyances sur les modes opérationnels, mais aussi sur les codes d’interaction avec les personnes, avec les structures publiques comme privées, avec des générations différentes de collaborateurs et de citoyens. Il faut être clair : nous parlons toujours bien des mêmes valeurs, notamment pour le service public. Ce sont les moyens et les façons de faire qui sont bousculés. Le plus difficile est donc de garder cette distinction, afin de faire en sorte de s’engager dans ces transformations de façon motivante et cohérente. L’enjeu culturel est là. En la matière, le cap général que nous donnent l’Etat et les institutions ne suffit pas. Le mouvement ne peut pas être que descendant. La difficulté actuelle n’est plus dans le fait de faire émerger une sorte de conviction générale et les bons niveaux de discours. Le problème réside dans la traduction opérationnelle de ces discours. Et si ce fossé entre discours et réalité devient trop grand, il peut au contraire être un facteur de désengagement pour les agents.
Comment peut-on favoriser un lien plus fort entre ce que l’on dit et ce que l’on fait, alors que la transformation touche de façon transversale tout l’écosystème ?
Beaucoup d’étapes permettent de travailler sur cette réconciliation. En premier lieu, il faut se lancer dans les changements des approches managériales et voir la transformation par le prisme d’une vision claire et partagée, avec des objectifs simples et surtout transversaux, portés en mode projet, qui pourront se traduire ensuite auprès des agents par des attentes et des résultats définis. Ensuite, il faut revoir les axes de formations, que celles-ci concernent les nouvelles communications sur les réseaux sociaux, le numérique dans les métiers de gestion ou encore le Règlement Général sur la Protection des Données. Il faut leur donner les moyens concrets des résultats que l’on espère. Par ailleurs, il ne faut pas non plus céder au piège du « tout numérique » : le multicanal reste la clé pour que cette transformation ait un caractère universel et ne soit pas excluante. D’un point de vue technologique, on voit émerger la cohérence quand les organisations s’engagent sur trois aspects : la dématérialisation et le développement des services en ligne ; l’appui sur des infrastructures cloud pour se libérer des contraintes traditionnelles de l’informatique ; et enfin une attention portée sur l’évolution des postes de travail et des usages collaboratifs internes et externes.
Ces changements peuvent-ils être mis en uvre rapidement ?
Oui, mais le plus grand piège serait de penser le numérique à court terme seulement. Il faut que les acteurs établissent un mix stratégique entre court et moyen terme, ce qui pousse à se poser par exemple la question de la place de l’organisation publique dans son écosystème. Cela passe donc par le fait de faire émerger ou de s’appuyer sur une stratégie territoriale de mutualisation. En la matière, eksaé travaille depuis des années à appréhender finement les idiosyncrasies de chaque territoire : c’est ce qui nous permet de lier la transformation d’une réalité locale avec la ligne de l’Etat, la vision régalienne très structurante pour toutes les organisations publiques. En 2018, nous avons par exemple lancé le Baromètre du Numérique au sein des collectivités en partenariat avec la Gazette des Communes, afin de renforcer cette attention portée à l’écosystème, au-delà de ce qui se passe individuellement dans chaque organisation.
Quand vous parlez de l’évolution nécessaire de l’écosystème, vous incluez-vous dedans en tant que prestataire du numérique ?
Il est toujours nécessaire de se remettre en question. Nous sommes parmi les premiers éditeurs à l’avoir fait en entamant par exemple notre transformation vers le modèle Software as a Service (SaaS) il y a des années. Nous avons préféré commencer à nous transformer très tôt, en adressant le sujet du cloud pour les métiers Finances et RH par exemple, car nous voulions anticiper au maximum les transformations majeures que cela amènerait. Nous avons dû bien sûr changer nos propres processus et technologies.
Avec le cloud notamment ?
Pour un éditeur, le cloud est une véritable transformation industrielle, qui change son rapport à tout son écosystème. Vis-à-vis des partenaires technologiques, cela pose en effet la question de la cohérence du cloud to cloud, c’est-à-dire de la coexistence de ces environnements technologiques en transformation, et des passerelles à établir entre eux. Cela nous a notamment poussés à former massivement nos collaborateurs nous aussi, à la fois aux méthodes agiles de développement, mais aussi aux compétences qui permettraient de profiter au maximum des avancées en termes de RPA (Robotic Process Automation) pour alléger les tâches répétitives, ou encore en Intelligence Artificielle. Nous avons également recruté des nouveaux profils beaucoup plus spécialisés sur ces domaines.
Nous avons continué à développer, ces dernières années, nos partenariats avec nos clients et les organismes institutionnels
Qu’en est-il de vos échanges avec vos clients, notamment au sein du secteur public ?
Le secteur public n’a rien à envier au secteur privé sur de nombreux sujets. En matière de dématérialisation, d’interopérabilité et de plateformes collaboratives par exemple, il y a énormément à apprendre de ce que font certaines organisations publiques. Pour permettre à ces innovations et ces façons de faire de mieux se diffuser, nous avons continué ces dernières années à développer le partenariat que nous établissons avec nos clients et les organismes institutionnels. Le but est bien sûr de les accompagner dans leurs transformations immédiates, mais aussi de les aider à anticiper la suite.Pour cela, nous avons volontairement un parti-pris très transverse, afin de contribuer pleinement à l’effort réalisé par les territoires dans leurs stratégies de mutualisation. Un éditeur doit en effet assumer son rôle pour permettre que les solutions logicielles et les infrastructures ne soient pas des pièces rapportées mais jouent bien un rôle de facilitateur pour permettre une collaboration plus étroite au sein de l’écosystème public. Les sujets sont ceux de la disponibilité, de la réactivité, de l’adaptabilité des parcours sans rupture. L’ouverture que mettent en uvre les organisations publiques pour être « plus fortes ensemble », doit également se retrouver chez un éditeur comme eksaé, capable grâce à sa compréhension du cloud to cloudet des API*, de rendre transparent pour un utilisateur, l’ensemble des couches techniques qui coexistent derrière un service, et qui dépendent souvent d’une multitude d’acteurs. Le partage d’expérience est fondamental et nous pouvons le faciliter.Ainsi, si la DSN n’arrivera qu’au 1erJanvier 2020 pour les grandes structures publiques, eksaé travaille d’ores et déjà avec ses clients OPH, dans le secteur public, qui ont déjà fait cette transition. C’est typiquement un sujet où nous avons dû assurer cette ouverture, cette accessibilité et cette simplification, du point de vue de l’évolution de tout un écosystème d’acteurs.*Application Programming Interface : une interface de programmation applicative permet de faire le lien entre les services et fonctionnalités de logiciels différents, créés par des entreprises différentes, par exemple pour faciliter la réutilisation de données ou l’automatisation de certaines tâches.