Tout changement apporte avec lui des frictions qui, quand elles sont ignorées, conduisent mécaniquement à des résistances ou des contournements de la part des personnes les plus directement concernées.Cette généralité se retrouve à l’échelle des vies personnelles, des entreprises ou encore de la société toute entière? Et les organisations publiques n’en sont évidemment pas exemptes. Prises dans des cycles de transformations profonds de leurs fonctionnements et de leurs outils, elles peuvent voir apparaître des questionnements qui auront tôt fait de se transformer en crainte, voire en blocage problématique. Et en leur sein, les services RH sont souvent ceux qui vont devoir marcher sur la ligne, favorisant le changement mais aussi son acceptation.Les exemples sont bien entendus variés. La réforme de la fonction publique pensée par le gouvernement a par exemple eu tôt fait d’interroger sur le rôle des agents au niveau local et donc sur le devenir de leurs missions, provoquant des craintes à l’avenant? Mais à l’intérieur même des organisations publiques, la dématérialisation provoque parfois des blocages d’autant plus dommageables qu’ils restent longtemps invisibles s’ils ne sont pas anticipés.
Encore trop peu de co-construction
Pour ces changements liés au numérique, des méthodes et des retours d’expériences ont cependant l’avantage d’exister, par exemple sur les sites de l’association nationale des DRH de grandes collectivités ou de l’association nationale des DRH des territoires, afin de permettre aux acteurs, qu’ils soient DG, DAF ou DRH, d’amener plus de sérénité dans les métamorphoses en cours. Outre les spécificités de chacune des organisations, on notera qu’elles ont en commun de favoriser au maximum la proximité avec le terrain et les individus, l’exemplarité des services RH, et un travail bien spécifique sur l’engagement, la communication et la confiance.« L’impact [de la transformation numérique sur la gestion des ressources humaines] peut être important » rappelle ainsi Romain Roguet, DGA finances de la Métropole européenne de Lille (MEL) à ActeursPublicsTV, qui souligne que bien souvent les DRH pensent uniquement le sujet sous l’angle de la formation aux nouveaux outils. « A la Métropole européenne de Lille, nous sommes allés plus loin en concevant nos outils numériques avec les agents. Nous les avons associés à cette réflexion lors des séminaires du pôle «?Finances’» par exemple. On y invite les opérationnels des services et très concrètement, on discute de ce que ces outils peuvent apporter au service et aux agents en matière d’enrichissement de leurs tâches ».Cette approche de co-construction s’avère essentielle pour que les agents n’aient pas à « apprendre à utiliser un nouvel outil » mais bien à « obtenir l’outils dont ils veulent et qui va améliorer leur quotidien ». Romain Roguet estime sans surprise qu’il s’agit donc autant d’une question de management que d’une question technique.Pour faire d’une transformation technique une transformation organisationnelle, tout acteur du changement, comme se retrouve à l’être le DRH aujourd’hui, doit affronter de multiples défis que l’on peut regrouper en plusieurs catégories : ceux relatifs aux certitudes des agents (et des directeurs) sur ce qu’est leur travail ; ceux relatifs à la peur au niveau individuel (de perdre le contrôle sur son quotidien, de se voir reprocher des erreurs que l’on aurait pas commise auparavant?) ; ou encore ceux relatifs à l’inertie du groupe (à travers une certaine forme de pression sociale, qui voudrait que faire différemment ou innover revient à mal faire, par exemple).
Des leviers variés à activer
Ces freins ont été analysés par de très nombreux auteurs sous l’angle des facteurs qui favorisent l’innovation, pour les entreprises ou au sein de communautés. Au sein d’une organisation publique, un DRH peut tout à fait se reconnaître lui aussi dans ces facteurs clés pour dépasser les craintes des agents. A commencer par le fait d’éprouver sincèrement le besoin de changer à son niveau, plutôt que de subir.Autrement dit : pour convaincre les autres, il faut être convaincu soi-même. Le deuxième facteur est le plus central car il consiste à mettre l’accent sur la transparence de l’intention et la communication, en permanence. Cette sincérité et cette ouverture permet d’associer les agents naturellement à la création du changement, bref à cette proximité évoquée précédemment, en pariant sur l’intelligence collective. Cela passera souvent par la mobilisation d’ambassadeurs naturels auprès d’autres services. De nombreuses collectivités, comme par exemple la communauté des communes du Grand Autunois Morvan, témoignent aujourd’hui de l’intérêt de ce type de pratique pour faciliter la transformation vis-à-vis des agents.Enfin, l’un des facteurs qui demande le plus d’anticipation est sans doute celui qui permet de créer le besoin du changement. L’exemple de la dématérialisation est à ce titre à nouveau un bon exemple. « Avant même le démarrage d’un projet de dématérialisation, il est ainsi conseillé de commencer à transformer les habitudes et les moyens à la disposition des collaborateurs » note Séverine Carré, Directrice de l’Offre Secteur Public de eksaé. En créant progressivement de nouveaux besoins, « l’arrivée d’un véritable outil de dématérialisation se fait bien plus facilement et est vue comme un vrai facilitateur ».Bien sûr, il n’y a pas de recette miracle qui permettrait de transformer le déploiement d’une nouvelle pratique ou d’un nouvel outil en une note de bas de page. Mais en s’assurant progressivement que ces cases de la préparation au changement sont bien cochées, une organisation publique est amenée à répondre à des questions structurantes sur son avenir.