Le Territoire de la Côte Ouest (TCO) est l’une des premières communautés d’Agglomération ayant, en avance de phase, expérimenté le Compte Financier Unique (CFU). John Gangnant, Directeur Général des finances et évaluations des politiques publiques et Isabelle Lopez, Responsable au service budgétaire et système d’information financier nous partagent leur expérience. Quelles sont les conditions sine qua non à cette migration ? Quelles difficultés rencontrées ? Le Territoire de la Côte Ouest nous répond et nous livre les conseils qu’ils donneraient aux collectivités pour une anticipation sereine du CFU.
Pouvez-vous nous parler du Territoire de la Côte Ouest ?
John-Gangnant : Le Territoire de la Côte Ouest (TCO) est une communauté d’agglomérations située à la Réunion, regroupant cinq communes de moyenne importance. L’agglomération regroupe au total 216 000 habitants avec un budget de l’ordre de 200 millions d’euros.
Pourquoi avoir engagé TCO dans cette première vague de tests du Compte Financier Unique ?
J.G. : Nous sommes inscrits depuis 2018 dans une logique d’évaluation de nos politiques publiques avec pour objectif la clarification des différents documents produits par la collectivité, les documents budgétaires notamment. Nous avons donc profité de cette migration vers le Compte Financier Unique pour répondre à notre envie de simplification. Nous souhaitions, en quelque sorte, remettre de l’ordre dans le compte administratif et le compte de gestion du TCO.
Il s’agissait aussi de redonner une plus grande intelligibilité et complétude à ces documents et d’éviter les doublons, en vue d’obtenir une meilleure information financière, aussi bien auprès des élus que de nos usagers. Bien que les documents comptables puissent avoir moins d’importance aux yeux de ces derniers, ils restent très utiles sur des aspects de bilan notamment. Dans une logique d’open data, impliquant le partage de nos données financières, nous voulions aussi, grâce au CFU, veiller à ce que ces documents aient l’importance et l’impact qu’ils méritent.
Comment vous êtes-vous préparés au passage au Compte Financier Unique ?
Isabelle Lopez : Avant de commencer cette transition vers le CFU, que nous avons initiée au 1er janvier 2020, il y avait deux conditions sine qua non :
- Le passage à la nouvelle instruction M57, chose qui a été validée au 1er janvier 2020 sur notre budget principal,
- La dématérialisation des documents budgétaires auprès de la préfecture. Un processus anticipé 6 mois à l’avance avec le passage de l’ensemble de nos documents budgétaires sur l’outil TOTEM.
Au niveau des équipes en interne, quelle conduite du changement a été menée en amont du 1er janvier 2020 ?
I.L. : Après avoir été sélectionnés comme population d’expérimentation, nous avions 2 mois pour nous mettre en ordre de marche. Cette migration a surtout été portée par les équipes finances, mais également par les équipes informatiques qui nous ont accompagnés sur le sujet. Nous avons aussi fait appel à notre éditeur Eksaé.
Pour effectuer la transposition des comptes de la M14 vers la M57, nous nous sommes basés sur les recommandations de la DGFiP, mais il a fallu les mettre en place par rapport à nos importations budgétaires existantes. Pour vous donner un ordre d’idée, sur l’année 2019, nous en avions à peu près 2 millions.
On oublie souvent que cette instruction a bouleversé toute la partie fonctionnelle des collectivités publiques. Nous avons donc travaillé sur la transposition des natures et des fonctions comptables, une transposition qui n’était malheureusement pas proposée par la DGCL. Tout ce travail a été mené sur une courte période, environ 1 mois. Il a fallu une quinzaine de jours pour préparer la transposition des lignes budgétaires sur l’année 2019.
Comment la migration s’est-elle déroulée avec vos applications externes, hors finances ?
I.L. : Nous sommes interfacés avec deux autres outils, dont l’outil des ressources humaines. Effectivement, nous avons aussi travaillé avec cette équipe pour programmer cette transposition des comptes. L’autre outil concerne la gestion de la dette. Cette fois, nous n’avons pas passé cette transposition dès le 1er janvier, cela s’est fait au cours de l’année 2020, ça n’était pas une priorité et ça s’est plutôt bien déroulé.
Quelles difficultés avez-vous identifiées ?
I.L. : Certaines écritures très importantes ont été compliquées à passer. En effet, ce sont des écritures de rattachement puisqu’il a fallu clôturer l’exercice 2019 pour passer sur l’exercice 2020. Arrivés au mois de janvier 2020, il a fallu maintenir notre environnement aussi bien des imputations M14 que des imputations M57 pour pouvoir passer ces écritures comptables compliquées. Lors de cette étape, il y a eu beaucoup de corrections apportées manuellement. Pour les équipes finances, ça n’a pas été facile. Notre logiciel ne proposait pas encore d’automatismes puisque toutes ces actions à mener étaient nouvelles.
Une fois ces difficultés surmontées, nous avons pu démarrer l’exercice sans souci. Seulement, une fois passés sur la nouvelle instruction, il y a toujours des problèmes de budgets et de rappels sur les exercices précédents. Nous devons désormais maintenir les imputations d’indicateurs, les imputations de la M57 et donc l’ensemble des documents budgétaires ne sont pas encore forcément corrects. L’an prochain, après deux années avec la M57, nous ne devrions plus avoir ce problème.
Vous êtes-vous sentis compris et soutenus par la DGFiP et la DGCPL ? Ont-ils bien pris en compte les aspects CFU et M57 ?
I.L. : Nous avons fait cette migration avec l’aide du comptable, nous avons donc travaillé ensemble sur toute cette période. Il est vrai qu’au démarrage de l’exercice 2020, sa tâche s’est révélée assez compliquée. En effet nous avons omis que tous les comptes de l’actif, qui ont toujours été en M14, n’ont pas migré de façon automatique en M57. Alors, quand nous avons démarré les comptes de l’exercice 2020, le comptable n’a pas pu récupérer son actif en l’absence de flux transmis par l’ordonnateur sur les nouveaux comptes M57. Il s’agit là d’une réclamation qu’il a formulée vis-à-vis de cette migration, qui s’est faite selon lui de manière trop rapide. En novembre 2020, nous avons rectifié l’actif de 2020. Au delà de ça, aujourd’hui tout va bien et nous entretenons de très bonne relation avec le comptable !
Quels premiers avantages et bénéfices constatez-vous par rapport à l’instruction M57 en elle-même ? Vous semble-t-elle plus précise et plus adaptée à vos besoins quotidiens par rapport à la tenue et l’analyse des comptes ?
I.L. : Oui, il est vrai que cette instruction M57 est beaucoup plus détaillée au niveau de ses articles. Nous avons des informations beaucoup plus fines sur la nature de la dépense, et cela peut donc également donner de la visibilité sur l’exécution budgétaire par la suite.
Aussi, cette instruction nous impose la validation d’un règlement budgétaire et comptable qui jusqu’à présent n’avait pas été validé car ce n’était pas une obligation pour les communes. Dès le mois de décembre nous avons mis en place un règlement budgétaire. Le partage de ce document au sein de la collectivité représente un avantage certain. C’est une information qui est aussi bien partagée par nos élus que par nos collègues dans son utilisation quotidienne.
Selon vous, quels seraient les conseils à donner ou des points d’attention à relever pour toutes les collectivités qui entameront la vague 2 de la généralisation du CFU ?
J.G. : En effet, lors de la vague 1, seule l’agglomération était expérimentatrice. Les 5 autres communes rattachées au TCO restent à ce jour dans la structure M14.
I.L. : D’un point de vue comptable, nous leur conseillerons de préparer davantage cette migration au niveau de l’instruction comptable M14, mais surtout de ne pas oublier la partie actif. C’est quelque chose que le comptable nous reproche aujourd’hui, de ne pas avoir travaillé sur la classe 2 où il y a quand même des comptes migrés vers d’autres comptes M57. En novembre dernier, il a dû passer des migrations de manière manuelle, c’est donc vraiment quelque chose à traiter en amont. Il faut aussi être vigilant et faire ces ajustements dans l’outil financier pour qu’il y ait correspondance.
Qu’attendez-vous de vos éditeurs, notamment Eksaé, par rapport au CFU ?
I.L. : Nous aimerions être accompagnés sur des aspects d’open data. Ce nouveau flux permettrait de diffuser de manière plus automatisée nos données vers des instances autres, au travers de nouveaux outils pensés pour l’open data. Aujourd’hui cette transparence totale est requise et notre objectif est d’aller vers ces plateformes ouvertes pour répondre à cette obligation réglementaire.