Encouragé par les évolutions réglementaires, le secteur public a démarré depuis des années la dématérialisation d’une partie de ses processus. Impulsées par le gouvernement, des initiatives devraient systématiser cette démarche. Avec à la clé, des bénéfices pour tous et une optimisation du fonctionnement des entités publiques.Le secteur public est en première ligne dans la transformation numérique. En octobre 2017, le Premier ministre Edouard Philippe lançait le programme « Action Publique 2022 » dont l’un des objectifs majeurs – faciliter les relations entre les usagers et l’administration – repose très largement sur la dématérialisation des documents, des données, des processus et des échanges. Une démarche engagée en réalité depuis des années, notamment avec les marchés publics.Depuis 2005, les acheteurs publics avaient l’obligation d’accepter les offres transmises par les entreprises sous forme dématérialisées pour les procédures formalisées. Plus récemment, depuis juin 2012, un arrêté autorise les parties à utiliser la signature électronique, sous réserve de sa conformité avec le Référentiel général d’interopérabilité (RGI) et avec le Référentiel général de sécurité (RGS). Il accepte également l’utilisation d’un parapheur électronique facilitant la signature multiple.Publié sur le site web de Bercy en janvier 2018, le plan de transformation de la commande publique devrait faciliter et systématiser la digitalisation à 100 % des marchés publics. Ce plan s’inscrit dans le cadre juridique actuel sans ajouter de contraintes réglementaires. Toujours du côté entreprise, la dématérialisation de la facture contribuera à ce mouvement.Enfin, la dématérialisation vise également toutes les procédures destinées aux usagers, demandes de documents administratifs, de pièces d’identité… Les motivations politiques et gouvernementales sont claires. Il s’agit d’améliorer la qualité des services rendus aux entreprises comme aux usagers, tout en maîtrisant les coûts et en optimisant le fonctionnement des services publics. Une démarche qui impacte bien sûr en profondeur l’organisation comme le fonctionnement de ces services.
Mieux collaborer
Que ce soit pour un marché public ou un simple document administratif destiné à un usager, cette dématérialisation facilite le partage. Une option encore plus sensible pour les organisations implantées sur plusieurs sites, de par la banalisation du haut débit et de logiciels disponibles en mode SaaS (Software as a Service). Le même document numérisé peut être partagé par différents collaborateurs sans délai dans une démarche collaborative, par exemple pour souligner plus facilement l’absence d’une information, avec une vérification immédiate.Étape complémentaire, les circuits d’approbation – les workflows – se fluidifient pour les mêmes raisons. Outre les gains de temps, l’absence du bureau d’un responsable ne bloquera plus la validation d’un document : celui-ci pourra donner son approbation à partir d’un terminal mobile. Ou, si le paramétrage du workflow le prévoit, il fera suivre la demande à un autre responsable. Si ce mode de fonctionnement nécessite la numérisation de tous les documents et données, ainsi que des outils logiciels ad hoc, le challenge majeur réside le plus souvent dans le pilotage du changement. Il s’agit de passer d’une organisation en silos, en services, à des processus plus transverses partageant les mêmes informations, ce qui touche les habitudes, comme l’organisation du travail. Une partie des entités publiques a déjà initié la démarche.
L’Agence pour l’Informatique Financière de l’État (AIFE) pilote Chorus Pro et propose des solutions de dématérialisation aux entités publiques et aux entreprises. Elle annonçait en juillet 2017 que le cap des 5 millions de factures avaient été reçues sur le portail, et, que de nombreuses PME s’était inscrites sur le portail, avant d’être soumises à l’obligation légale. À cette période, 83% des entreprises enregistrées sur ce portail étaient des PME.
Piloter plus finement
Pour suivre l’avancement de ces évolutions en interne, la mise en place d’un pilotage s’impose, décliné notamment en indicateurs de performance, comme la qualité des services rendus aux usagers et aux professionnels. Il s’agit non seulement de mesurer les gains de temps dans la délivrance d’une réponse, mais aussi d’identifier facilement les goulots d’étranglement dans le traitement des demandes, et par la suite, de fluidifier les processus. Le pilotage porte également sur les activités purement internes aux administrations, notamment tout ce qui concerne le budget et la comptabilité. Il autorise un suivi de l’activité en temps réel sur toute la chaîne d’exécution budgétaire et comptable. Des fonctionnalités qui permettent de générer dynamiquement des tableaux de pilotage prêts à l’emploi.Sur le terrain, illustration parmi d’autres, le Grand Lyon a mis en place des processus Itil (Information Technology Infrastructure Library) pour assurer en interne sa gestion des incidents et des problèmes. Cette standardisation et ce pilotage ont réduit le temps de résolution et amélioré l’efficacité des interventions, comme leur hiérarchisation. Par exemple, le pilotage permet de voir en temps réel combien d’agents sont concernés par un incident informatique et d’orienter les interventions sur celui le plus dommageable pour l’organisation. Une démarche enseignée aux équipes informatiques IT qui devrait s’étendre à d’autres services. Au final, la dématérialisation facilite la mise en place d’un cockpit pour mieux piloter.
L’open data consiste à la mise à disposition par les entités publiques des données qu’elles génèrent. Il s’agit aussi bien de l’état d’un réseau d’eau potable (données disponibles sur www.data.eaufrance.fr), que d’une compétence des communes ou de l’argent dépensé dans le secteur culturel par un conseil départemental. Si les applications qui s’en nourrissent ne sont pas encore nombreuses, elles se développent rapidement, boostées par les projets de villes intelligentes. Une démarche qui impactera sans aucun doute les entités publiques.
Faciliter les échanges
La dématérialisation impacte également en profondeur les relations avec les partenaires, les fournisseurs et les usagers du secteur public. Déjà anciens, les projets Hélios et Actes, pour le contrôle de légalité, ont fluidifié les échanges entre collectivités locales et préfectures. Côté entreprise, la dématérialisation apporte notamment une traçabilité sur les actions en cours comme, par exemple, le stade d’avancement d’une facture (reçue, en traitement, rejetée, validée, en paiement…). Ceci se traduit, côté public, par la réduction des appels téléphoniques notamment, et côté fournisseurs, par une meilleure visibilité sur leur trésorerie.La démarche porte potentiellement sur tous les types de documents échangés, dossiers dans le cadre de procédures, demandes de subvention, de permis de construire, documents cadastraux… Là encore, les collaborateurs du service public se voient déchargés de tâches sans intérêt (comme la vérification de la complétude des dossiers) et peuvent se consacrer à celles présentant plus de valeur ajoutée (relation avec les usagers). Une grande partie des organisations publiques sont déjà engagées dans ces démarches. Work in progress…
- Transformation : la mise en place de l’e-administration s’accélère.
- Relation public-privé : les échanges entre le public et le privé seront à terme plus fluides, par exemple, grâce au portail sur la facturation (traçabilité…)