La première tendance est la plus évidente. Pour ceux qui en doutaient encore, l’accélération numérique s’est confirmée l’an passé, à tous les niveaux de notre société. Le dernier rapport de l’inspection générale des finances a ainsi mis l’accent sur le caractère exceptionnel et de plus en plus ancré de ces usages dans nos échanges économiques : « Près de 80 % des acteurs de l’économie française sont concernés par l’économie numérique » peut-on ainsi y lire. A ce niveau de pénétration, ce sont non seulement tous les secteurs d’activité qui sont amenés à se réinventer, mais également toutes les tailles d’organisations.Le numérique n’est pas plus une affaire de grande organisation internationale que de « natifs du numérique » de type GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon’). En effet, les PME françaises ne sauraient être laissées sur le bord de la route, comme l’a rappelé le 14 janvier, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat chargé du Numérique, lors du lancement de l’opération « Adopte Le Digital » destinée aux patrons de TPE-PME. Il a rappelé que l’Etat s’était plus investi sur le sujet en 2018 en lançant également l’initiative « France Num » pour accompagner ces organisations sur « l’hyper-accessibilité » des outils digitaux d’aujourd’hui. Or, le lien entre PME et territoires est crucial : celles-ci représentent 99 % du tissu économique local et génèrent les trois quarts du PIB du pays. Ce mouvement de digitalisation ne peut donc être imaginé et vécu sans y associer toujours plus étroitement les organisations publiques territoriales.
La dématérialisation de la commande publique comme exemple
A ce titre, 2018 a permis de montrer, en écho, une accélération notable de la transformation numérique des territoires. Aux côtés d’annonces comme celle de la Métropole du Grand Paris qui encourage avec un fonds d’un million d’euros ses villes membres à expérimenter le numérique, d’autres transformations sont plus discrètes mais tout aussi structurantes. Pour faire le lien avec les PME précédemment évoquées, on citera l’exemple clé de la dématérialisation des procédures des marchés publics, entrée en vigueur depuis avril 2016, mais dont la réalisation des objectifs était fixée au 1eroctobre 2018.Le 100 % numérique est donc devenu la norme en 2018, entraînant des modifications en cascade pour toutes les organisations concernées. C’est d’ailleurs un autre enseignement clé de l’année écoulée : la preuve par les faits que la transformation numérique ne se pense pas isolément, mais bien comme une affaire d’écosystème pour les territoires. L’insistance des autorités sur le déploiement d’une démarche d’open data sur les données essentielles des marchés publics et contrats de concessions est d’ailleurs un éclairage supplémentaire. « L’enjeu, c’est de produire des données numériques et d’organiser leur collecte, leur mise à disposition et leur valorisation. Il faut donc se mettre en ordre de marche, et je pense qu’on n’y arrivera que dans cette logique de dématérialisation de bout en bout. C’est pour ça qu’à la région Bretagne, on veut accélérer le mouvement, on travaille sur la signature électronique, sur l’archivage électronique, etc. Sinon, tout ça n’a pas beaucoup de sens. » témoignait par exemple Céline Faivre, Chief Digital Officer, déléguée aux stratégies numériques et directrice des affaires juridiques et de la commande publique de la région Bretagne, auprès du magazine NextInpact.
La démocratisation du numérique peut réduire les risques d’exclusion des citoyens
2018 a prouvé par de nombreux aspects que la révolution numérique au sein des organisations publiques, n’était pas monolithique, mais bien au contraire multifacette. Ainsi, le sujet n’est plus seulement celui des habituels spécialistes de l’informatique. La 1èreédition du Baromètre du numérique dans les collectivités, réalisé par eksaé avec la Gazette des Communes fin 2018, montre que dans un cas sur deux, c’est dorénavant la direction générale ou une direction générale adjointe qui pilote le projet de transformation. « Nous avons atteint un stade où les agents s’approprient le numérique et ont compris l’intérêt que celui-ci pouvait avoir pour eux. Ils ne le considèrent plus comme une contrainte ou une menace, une chose à laquelle il faut faire face…» analyse d’ailleurs dans les colonnes de l’hebdomadaire, Harmony Roche, directrice adjointe des RH au conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques et coordinatrice nationale du Lab? de l’Association des administrateurs territoriaux de France. Cette démocratisation qui s’est accélérée en 2018 sera un enjeu clé pour 2019 et une forte responsabilité pour les organisations publiques, au-delà même de leurs propres agents. En effet, il sera pour les mois et années à venir toujours plus important que tous les acteurs se mobilisent pour faciliter une adoption (et adhésion) qui peut être vécue difficilement, comme toute transformation. Une étude réalisée par BVA/DSF à l’automne 2018 pointe ainsi que si Internet apparaît comme un outil facilitateur du quotidien, tant sur le plan personnel que professionnel, 56 % des français peuvent se sentir démunis face à des démarches administratives digitalisées et 49 % ont déjà pu se sentir exclus des échanges impliquant un canal numérique spécifique. Ce sentiment d’insécurité est bien entendu le propre d’une révolution aussi structurante que celle que tous les individus et les organisations vivent avec le numérique, mais pour les organisations publiques il est d’autant plus intéressant d’observer qu’elles sont vues comme une solution.En effet, dans la même étude, les collectivités sont bel et bien dans le top 3 des acteurs clés identifiés par les français pour agir face à ces éventuelles inégalités et fractures numériques ; devant les opérateurs de services numériques eux-mêmes. Au regard de l’année écoulée, 2019 sera donc également un moment charnière de transformation pour que les agents qui s’emparent du numérique s’en servent pour améliorer en profondeur la relation avec les citoyens. En la matière, le Baromètre du numérique dans les collectivités eksaé/La Gazette des Communes donne bon espoir : 35 % des agents interrogés ont vu la transformation numérique de leur collectivité aboutir à une amélioration de cette relation.
Pour aller plus loin :
Secteur public : la modernisation est une affaire d’écosystème