Depuis le 6 septembre dernier, la Cour des comptes a mis en ligne une nouvelle plateforme dédiée aux « lanceurs d’alerte » souhaitant attirer son attention sur des « situations indues », a expliqué Pierre Moscovici, le premier président de l’institution. Ainsi, les éléments fournis par les informateurs seront traités avec davantage d’efficacité. Explications.
Près de 1500 signalements annuels : les lanceurs d’alerte ont de quoi dire
La Cour des comptes reçoit tous les ans une centaine de signalements émanant de particuliers. Ces derniers, prenant la forme d’emails ou de courriers physiques, dénoncent des manquements à la réglementation dans la sphère publique. De plus, chacune des treize chambres régionales des comptes en reçoit une quantité similaire.
Jusqu’à septembre 2022, aucun outil dédié ne permettait de collecter et de gérer en masse cette important quantité d’informations. Certes, ces signalements débouchaient parfois sur des enquêtes, mais c’était loin d’être un enchaînement systématique.
« La Cour des comptes veut s’ouvrir davantage aux lanceurs d’alerte, à tous ceux qui peuvent se tourner vers nous pour signaler des situations indues, qui peuvent être sanctionnées », a expliqué lundi 5 septembre son premier président, Pierre Moscovici, invité à s’exprimer devant l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef).
Le ton (durci) est donné : les sanctions liées aux abus seront appliquées de manière plus automatisée, et donc… potentiellement plus souvent.
Lanceurs d’alerte : quels périmètre & cadre pour cette nouvelle plateforme ?
La Cour des comptes, ainsi que chambres régionales, peuvent mettre en place des contrôles effectués par des magistrats financiers sur de multiples thématiques. Leur domaine d’expertise couvre notamment la gestion des marchés publics, les rémunérations, les conflits d’intérêt…
Grâce à cette nouvelle plateforme dédiée aux lanceurs d’alerte, les situations présentant des irrégularités pourront être signalées de manière anonyme.
Concrètement, les informateurs seront amenés à échanger avec la Cour de façon plus formalisée et sécurisée :
- datation des faits observés,
- explication relative au contexte, origine de la connaissance de cette situation,
- ajout de pièces jointes…
Après examen, les informations collectées pourront donner lieu à l’ouverture d’un contrôle approfondi, voire d’une enquête, le cas échéant. De fait, le dosser doit être crédible, étayé de preuves matérielles.
Les critères dits de « recevabilité » sont ainsi précisés par la Cour des comptes : le signalement doit concerner « un organisme susceptible de relever d’un contrôle des juridictions financières », avoir pour objet « une situation préjudiciable pour les finances de cet organisme », présenter « une certaine gravité » et s’accompagner de « pièces jointes pertinentes ».
Les auteurs d’un signalement qui considéreraient relever du statut de lanceur d’alerte au sens de la loi du 9 décembre 2016 dite loi « Sapin 2 » sont invités à s’adresser au Défenseur des droits pour toute interrogation concernant leur statut et leurs droits.
La Cour des comptes s’ouvre au grand public
La création de cette plateforme s’inscrit pleinement dans la volonté d’ouverture de la Cour des comptes vers le grand public, impulsée par Pierre Moscovici depuis sa nomination en 2020. Ainsi, l’institution avait initié une vaste consultation auprès des particuliers afin de collecter des suggestions d’enquêtes, au printemps dernier. Pour rappel, la Cour des comptes est une juridiction indépendante et détermine ainsi librement son programme de travail, en dressant la liste des contrôles à effectuer au fil des années.
Six thèmes de travail ont été retenus, émanant de quinze propositions soumises lors de la consultation :
- l’école inclusive,
- la détection de la fraude fiscale des particuliers,
- les soutiens publics aux fédérations de chasseurs,
- l’égalité entre les femmes et les hommes,
- l’intérim médical et la permanence des soins,
- enfin, le recours par l’Etat à des cabinets de conseils privés.
La Cour publiera les résultats de ses contrôles d’ici à la fin de l’année 2023.
Pierre Moscovici affiche clairement son ambition de faire de la Cour « une maison plus agile et plus rapide ». La plateforme dédiée aux lanceurs d’alerte répond à ce défi. Le nombre de signalements va-t-il se multiplier grâce à ce nouveau dispositif ? L’avenir nous le dira !