En fonction de la taille et de la situation géographique de leur commune, les 35 000 maires de France n’ont pas tous vécu l’arrivée de l’épidémie de covid-19 de la même manière. Pour autant, chacun a dû assurer la poursuite des activités essentielles de la nation tout en gérant le moral des troupes et les effets collatéraux de la crise sanitaire. Marie-Claude Barnay, présidente de la communauté de communes le Grand Autunois Morvan, a épaulé les 55 maires de sa Communauté de communes pendant cette période hors-norme. Elle raconte sa gestion du confinement, entre application à garder une longueur d’avance sur la crise, et souci de maintenir coûte que coûte la solidarité entre agents.
Quelles sont les particularité du territoire que vous présidez ?
Le Grand Autunois Morvan mêle villes et campagnes. C’est un territoire à dominante rurale, avec beaucoup de petites communes qui n’excèdent pas les 100 habitants, mais dont la plus grande grande ville, Autun, compte tout de même 14 000 âmes. Pour l’ensemble de ces communes, la Communauté de Communes assure la gestion des écoles, de la voirie, de la culture, des transports ou encore l’action sociale, et accompagne les maires sur les plans juridiques et matériels. Pour simplifier, on peut dire que nous assurons la plupart des missions, à l’exception des fonctions régaliennes.
Ce regroupement constitue un projet territorial, qui plus est en temps d’épidémie. Notre fonctionnement centralisé a facilité la gestion de la crise, en orchestrant la collaboration des 55 communes.
Comment l’arrivée de la crise a-t-elle été vécue par votre équipe ?
Le 13 mars, trois jours avant le confinement, nous nous sommes réunis pour définir les services prioritaires à maintenir. Nous avons également veillé à confiner le maximum d’agents de l’administration en facilitant le télétravail. Par chance, nous avions mis un “plan hors-sec” en place au début de l’année, pour nous permettre d’assurer la gestion des finances et des paies à distance. Si nous avions su qu’il serait mis en œuvre quelques semaines plus tard !
En avril, nous avons mis en place des réunions hebdomadaires avec les 55 maires, les chargés de missions, le centre d’action sociale, etc. Nous avons divisé la Communauté de Communes en six territoires, ce qui nous permet d’organiser six audioconférences par semaine pour discuter de tous les sujets brûlants liés à l’actualité de la crise et du contenu des allocutions gouvernementales. Les maires, qui ont beaucoup de questions, apprécient vraiment cette démarche.
Certains agents ont-ils émis des réticences à se rendre au travail ?
Certains auraient pu légitimement se désengager, baisser les bras, ne pas vouloir aller travailler. Mais tout le monde a répondu présent.
On peut parler d’une vraie solidarité au sein des équipes, avec un investissement complet de la part des agents malgré un contexte complexe. Quant aux maires, dont certains auraient dû partir à la retraite en mars, ils ont assuré leur mission à 100 %, voire 200 %, sans se poser de question. Au nom de l’intérêt général, ils sont allés au front tous les jours 24h/24.
C’est grâce à ce dévouement et cette solidarité des équipes que nous avons pu assurer la continuité du service public et assurer la réussite de notre plan.
Concrètement, comment se sont réorganisés les différents services ?
À l’arrivée de la crise, nous avons mis sur pied plusieurs cellules avec les maires, les structures publiques et nos partenaires. Nous avons défini à l’unanimité les services de niveau 1, 2 et 3 à maintenir, ainsi que leur fonctionnement en mode dégradé. Dans les différentes équipes, des rotations en quatorzaine ont été mises en place pour éviter les contaminations.
En premier lieu, une « Cellule Sanitaire » s’est montée pour gérer les approvisionnement en masques, en gel hydroalcoolique et en blouses sur le long terme. Nous avons également organisé l’accueil des enfants du personnel soignant dès le dimanche précédant le confinement, main dans la main avec l’Inspection de l’Éducation Nationale et la Préfecture.
Enfin, nous avons orchestré la distribution des visières produites au sein de notre FabLab par les équipes du Lycée Militaire d’Autun, du lycée Bonaparte, et du Rotary Club d’Autun. Après avoir été mises à disposition du personnel des structures hospitalières et médico-sociales, nous traitons désormais les besoins des entreprises pour les aider à reprendre leur activité en toute sécurité.
À propos des entreprises, craignez-vous que la crise sanitaire se double d’une crise économique ?
Je suis malheureusement convaincue que la crise sanitaire va se doubler d’une crise économique. Notre rôle est d’éviter au maximum que les entreprises périclitent. Dès le mois de mars, nous avons mis en place une « Cellule Attractivité du territoire » pour faciliter l’accès des artisans, des entreprises et des agriculteurs aux dispositifs de soutien comme le Fonds de Solidarité de l’Etat et les aides de la Région Bourgogne Franche Comté. À notre échelle, nous mettons la main à la pâte pour aider les producteurs locaux à trouver de nouveaux débouchés pour leurs invendus. Nous avons adapté les filières, créé une plateforme de vente en ligne pour acheter local, etc.
La question se pose enfin de la reprise du tourisme. Nous sommes déjà en train de réfléchir au meilleur moyen d’accompagner les hôtels par exemple.
Avez-vous observé des arrivées de population suite à l’annonce du confinement ?
Oui, le phénomène a été flagrant chez nous. Grâce à ses lacs et ses montagnes, la région fait partie des destinations touristiques les plus prisées entre Paris et Lyon. Les résidences secondaires se sont ouvertes comme en été. Par exemple dans la commune de La Grande Verrière, les 130 résidences secondaires sont actuellement toutes occupées.
Ce qui va se jouer dans les prochaines semaines est un enjeu majeur : beaucoup d’urbains réalisent qu’ils désirent garder la qualité de vie et les produits dont ils ont pu bénéficier pendant le confinement. C’est la raison pour laquelle nous sommes très pro-actifs pour l’accueil des nouveaux arrivants : nous avons une politique d’accueil rodée depuis 2011 et veillons à les accompagner dans leurs projets personnels comme professionnels.
Et demain ? Comment voyez-vous les prochains mois ?
Ce que nous avons vécu là n’est malheureusement qu’un échauffement ; tout reste à venir. Après la crise sanitaire, le maintien du service public pendant le confinement, puis la gestion du déconfinement, c’est un quatrième volet qui s’annonce désormais : nous préparons la rentrée de septembre, en anticipant le plus possible pour éviter d’être surpris. Il faut assurer non plus seulement la continuité mais la pérennité.
Comme pour toute crise, nous devons d’ores et déjà tirer des leçons de ce qui nous arrive, et profiter du contexte actuel pour définir de nouveaux modes de fonctionnement. La crise nous a invité à la clairvoyance, à la solidarité, et à un retour à l’essentiel : c’est cet état d’esprit qu’il va désormais falloir cultiver.