L’open data, soit l’ouverture des données publiques aux citoyens, constitue une obligation légale pour certaines collectivités territoriales. La mise en œuvre de l’ouverture à ces données n’est pas toujours simple : on constate une disparité de ce dispositif en France, suivant la taille des organismes publics concernés. L’open data offre pourtant de formidables opportunités. Tour d’horizon des défis à relever pour un usage pertinent et très profitable de l’open data.
Quelles obligations pour les collectivités ?
« L’open data désigne le partage fait par les institutions, notamment gouvernementales, des données dont elles disposent. Il s’agit d’un partage gratuit, dans des formats ouverts, et permettant la réutilisation des données. »(1). L’ouverture des données publiques poursuit trois objectifs majeurs :
- Contribuer à l’amélioration du fonctionnement démocratique via une transparence accrue,
- Renforcer l’efficacité de l’action publique,
- Mettre à disposition de nouvelles ressources pour favoriser et encourager l’innovation économique et sociale (partage de données réexploitables).
Les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants, employant au moins 50 agents (en équivalent temps plein), sont tenues de partager en ligne :
- les documents communiqués en application des procédures prévues par le CRPA (Code des relations entre le public et l’administration), ainsi que leurs versions mises à jour ;
- les documents figurant dans le répertoire des informations publiques (RIP) ;
- les bases de données produites et reçues ne faisant pas l’objet d’une diffusion publique par ailleurs ;
- les données présentant un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental.
- les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions, lorsque ces traitements fondent des décisions individuelles.
Open data, quid des données à caractère personnel ?
La mise en ligne des données publiques doit se faire dans le respect des modalités de diffusion propres à chaque type de données. L’open data ne vise pas les données personnelles et ne relève donc pas, a priori, des dispositions du RGPD. Les collectivités territoriales sont amenées à partager des documents administratifs (financiers, cartographiques, budgétaires…).
En réalité, les collectivités détiennent également des données à caractère personnel qui peuvent être amenées à être publiées : résultats d’examens, nomination des administrés… A partir du moment où les données mises à disposition des citoyens sont réexploitables, il peut être possible d’identifier une personne via le croisement de datas. Aussi, la CNIL prévoit que la diffusion des documents intégrant des données à caractère personnel ne puisse s’opérer sans un processus d’anonymisation (sauf accord exprès des personnes concernées pour un partage public).
Dans ce cas précis, la collectivité doit respecter les règles énoncées par le RGPD : elle occupe le rôle de responsable du traitement des données personnelles et en endosse les obligations correspondantes.
Open data : une marge de progression encore importante
A ce jour, 594 collectivités territoriales publient des données en open data. Si un nombre croissant de collectivités a initié ce déploiement, le périmètre des données partagées reste limité et l’on estime couramment que moins du quart du patrimoine des données a été ouvert.
De plus, on constate que la taille d’une collectivité joue un rôle décisif dans la mise en place de l’open data :
- les régions françaises se sont toutes engagées dans ce processus,
- 6 départements sur 10 ont franchi le cap,
- Environ 8 % des communes entre 3 500 et 100 000 habitants ont à date entrepris la démarche, seulement.
En effet, une organisation couvrant un territoire élargi dispose de plus de ressources, ce qui favorise une adoption plus rapide des systèmes d’open data. Aussi, une collectivité pionnière concourt à une conversion plus rapide de ses semblables, via le partage d’expérience sur des problématiques similaires. Les collectivités de taille plus modeste peuvent solliciter l’accompagnement de proximité d’un moteur de type région ou département, ce support pouvant être particulièrement précieux pour répondre aux questions techniques notamment.
Au global, sur les 4 604 collectivités concernées par la loi République Numérique (> 3 500 habitants), seules 11.03 % ont aujourd’hui recours à l’open data, la marge de progression reste très importante. Deux ans après la date limite d’application des dispositions prévues dans la loi République Numérique d’octobre 2016, les collectivités peinent encore à généraliser ce dispositif (source : DGCL).
Booster l’attractivité territoriale grâce à l’open data
L’exploitation des données publiques offre aux collectivités une analyse plus fine de leur activité et s’avère être une véritable source de valeur ajoutée. Dès qu’une organisation s’engage dans l’open data, un cercle vertueux s’engage :
Préalablement à une utilisation vertueuse de l’open data, les collectivités doivent s’assurer de la qualité de leurs données : exhaustivité, mises à jour récurrentes. De très nombreuses organisations négligent cette activité préliminaire (jusqu’à 92 % d’entre elles si l’on se fie aux déclarations recueillies par l’observatoire de l’open data !), or il s’agit d’un élément clé pour assurer de la pertinence des analyses et autres exploitations des données qui seront réalisées. Qu’il s’agisse de l’usage des transports publics ou de l’emplacement d’équipements sportifs, une donnée obsolète peut nuire à la pertinence des prises de décision.
A contrario, grâce à l’open data, les collectivités peuvent espérer attirer de nouveaux habitants, capter un flux touristique plus conséquent, séduire des entreprises.
Comment ? Quelques exemples concrets qui alimentent l’attractivité d’un territoire :
- Le développement d’applications facilitant la vie citoyenne : information sur la disponibilité des transports actualisée en temps réel, accès aux menus des cantines avec détail des allergènes…
- L’adaptation des commerces locaux en fonction de la demande des entreprises / résidents (horaires d’ouverture calqués sur la fréquentation de certains axes, calculée à partir des flux piétonniers par tranche horaire)…
- Mise en œuvre de politiques en faveur du développement durable (inventaire des équipements électriques et réseaux associés)…
Les cas d’usage sont multiples. Les collectivités peuvent interpréter les données grâce à des services de géolocalisation, de référencement, etc. Il s’agit ensuite d’entreprendre des actions soutenant la mobilité urbaine, de régulation de trafic, etc. pour répondre aux enjeux évolutifs des parties prenantes.
Le partage d’informations (citoyens et entreprises) peut se faire sous la forme d’indicateurs clés. La communication doit être intelligible et largement diffusée pour faire rayonner les actions entreprises par la collectivité. Ceci explique le succès croissant de la datavisualisation, qui propose de multiples solutions graphiques pour des informations « plus digestes » et compréhensibles : finances des CCAS, géolocalisation des fournisseurs publics…
Open data : des opportunités économiques concrètes
L’exploitation des données publiques favorise la création de nouvelles activités par les entreprises implantées sur le territoire, ou de start-ups en quête d’un lieu d’implantation. L’économie locale a tout à y gagner ! L’open data offre en effet une matière illimitée pour concevoir de nouveaux outils, ou des services innovants, comme par exemple :
- L’implantation des monuments historiques sur une zone définie,
- Les principales données de consommation d’énergie à l’échelle d’une commune,
- Les applications intelligentes de calcul de trajet…
Le recours à l’open data encourage une consommation raisonnée des biens et services d’un territoire : les usages sont optimisés. Halte au gaspillage ! Aujourd’hui, l’énergie et la mobilité sont les cas d’application les plus probants au sein des collectivités. Ainsi, une agglomération peut identifier des leviers de productivité et générer des économies mesurables en analysant le suivi des consommations énergétiques des bâtiments publics. Par exemple, la consommation élevée d’un bâtiment occupé révèle un dysfonctionnement, appelant une action corrective.
Aujourd’hui, l’énergie et la mobilité sont les cas d’application les plus probants au sein des collectivités.
Enfin, l’open data fait appel à des compétences techniques précises. Les collectivités sont amenées à former leurs agents ou à embaucher de nouveaux profils : administrateur BDD, chef de projet open data…). Cette évolution favorise l’esprit d’innovation au sein des équipes ! Nourries par cet élan dynamique, les opportunités économiques et environnementales seront d’autant plus nombreuses pour les territoires.
Conclusion : 5 facteurs clés pour une gestion vertueuse de l’open data
L’actualité souligne plus que jamais l’intérêt du partage de données. En réponse à la crise sanitaire, il a été nécessaire de faire remonter des informations émanant de multiples acteurs (hôpitaux, ARC, laboratoires…) dans des délais courts : autant de systèmes à interconnecter pour des données interopérables et exploitables rapidement sur le territoire national. Qui n’a pas entendu parler de TousAntiCovid ?
En dehors du domaine spécifique de la santé, l’ouverture des données publiques génère d’ores et déjà des effets positifs. L’open data favorise la croissance économique, en complément de l’enrichissement du savoir et de la connaissance territoriales. Les collectivités gagnent en attractivité, les citoyens bénéficient de produits et services à plus forte valeur ajoutée, les entreprises imaginent de nouvelles ressources profitables à l’ensemble de la communauté.
Près de 90% des collectivités ne sont pas encore engagées dans la démarche d’open data. Gageons que les résultats probants enregistrés par les pionnières devraient participer à accélérer le mouvement, qui s’inscrit dans la continuité de la dématérialisation du service public.
A noter, il est indispensable de mûrir son objectif et de mener une conduite du changement réfléchie et structurée, en respectant les impératifs liés aux 5 étapes d’une gestion de projet réussie.
(1) Source : www.collectivites-locales.gouv.fr
Source des graphiques : Observatoire de l’open data